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Arizona,

Page, lac Powell

et une merveille géologique

La moderne et très aérée bourgade de Page s’étale sur une hauteur en vaste mamelon, dont la rue principale forme une sorte de grand fer à cheval venant se connecter sur la route 89.

Depuis le haut de sa colline, le village donne sur un vaste panorama désertique tout de cette teinte de terre rouge, où se dissimule le lac Powell.

 

Une sorte de colossale termitière surplombe le barrage qui le retient, trouée d’une caverne sombre.

au nord de Page dans ce désert ocre, le lac Powell, Arizona

Le désert rouge est partout, mais se borde ou se couture ici de la verdure que permet l’irrigation issue de l’eau du lac.

un peu du lac Powell, ocre et cendre, Arizona

Presque sur l’horizon vers l'est, un colossal rocher sombre prend la forme d’une pyramide maya (mais là sont les Navajos, et le « Navajo Canyon » donnant sur le lac est tout proche vers le nord-est).

Au-dessus d'une colline de sédiments, c’est la « Tower Butte », dont la base sur le plateau est à 1235 mètres et le sommet 210 mètres au-dessus.

Dans la région, on l'aperçoit de partout.

près de Page, la "Tower Butte, Arizona

On comprend pourquoi de tels monuments naturels, immuables au fil des générations, sont des symboles forts dans l’imaginaire et les rituels des amérindiens.

Tout comme ceux de « Monument Valley » et d’autres plus encore, monts enneigés ou montagnes ocres, qui délimitent les pays Navajos.

Arizona,

le lac Powell

L'artifice réussi du lac Powell ; genèse
le barrage sur le Colorado, à Page, Arizona

Après avoir traversé le pont  en aval du barrage au-dessus d’un impressionnant et profond canyon dont les parois en falaises verticales sont des murailles naturelles (?), la route longe en balcon la rive sud du lac, dévoilant de superbes paysages.

localisations, Page, barrage Powell, Arizona

Page, sur sa colline

Vers l'aval, le barrage et le pont

Un vent frisquet et presque constant accentue en bleu de Prusse la couleur du lac, qui se marbre et se strie de longues vaguelettes.

 

Le contraste avec les petites falaises côtières souvent découpées, surmontées de monts abrupts cendre argenté est saisissant ; on retrouve la même tonalité autour du lac Mead aperçu en quittant Las Vegas vers l’est.

Mais on l'a vu, le lac Powell n'a rien de naturel, malgré les somptueux panoramas qu'il présente.

Son barrage retient les eaux du fleuve mythique, le Colorado, qui reçoit un peu en amont de Page les eaux de la rivière Escalante du nord et plus haut encore celles de la rivière San Juan de l’est.

Le barrage est jeté en travers du Glen Canyon sur le Colorado (voir son bassin ci-dessous) au pied de la ville de Page.

Bassin du Colorado

Aménagé en 1963, il retient les eaux du lac Powell, qui est le 2ème en superficie des USA, après celui de Mead, un peu plus au sud-ouest, tous deux alimentant en cascade Las Vegas, la Californie et d'autres parties d'Etats du grand sud-ouest.

 

La superficie de chacun dépend bien sûr de leur alimentation en eau ; celle du lac Mead fait défaut depuis plusieurs années, à un moindre degré celle du lac Powell ; si bien que cette année 2018, la surface de ce dernier outrepasse peut-être celle du premier, pourtant potentiellement plus grand.

Selon le quotidien « Republic Arizona » du 28 août 2018, les scientifiques indiquent ainsi que le lac Mead n’est plus plein qu’à 38% et le lac Powell à 48%. Le niveau de ce dernier aura baissé de plus de 30 mètres depuis 2000, où il était à peu près plein.

Les débats alertant sur ce progressif assèchement conduisent au moins à réclamer une politique globale de gestion du réservoir lac Mead + lac Powell.

carte du lac Powell, Arizona

Long de 300 km quand il est plein, ses côtes se plissent infiniment dans pas moins de 96 canyons, sur 3136 km de rives, resserrées comme les bronchioles de poumons.

Il aura mis 11 ans à se remplir.

Les opposants au projet, outre les effets négatifs sur la biodiversité, critiquent les pertes d’eau par évaporation et par suintement, qui seraient considérables.

John_Wesley_Powell_with_Native

John Wesley Powell, vétéran de la Guerre de Sécession (la « Civil War ») du côté unioniste, est un géologue manchot (il perd son bras droit dans la bataille de Shiloh).

Il conduit à partir de 1867 des expéditions dans les Montagnes Rocheuses, la vallée du Colorado, puis la première exploration scientifique des rivières Colorado et Green River.

 

En 1869, il explore en 3 mois le Grand Canyon avec 9 hommes et 4 bateaux, traverse près de 1500 km et parvient avec la moitié de sa petite troupe à la rivière Virgin là où elle atteint la côte Pacifique.

Ses explorations le convainquent que l’Ouest aride n’est cultivable que sur les 2% de sa surface proche des sources d’eau.

 

Contre son avis et sous la pression des compagnies ferroviaires, le Gouvernement autorise l’implantation de fermes agricoles, dont la viabilité s’avèrera rapidement catastrophique et donc impossible dès les années 1920-30 (« Dust Bowl » dans les Prairies US et canadiennes).

Powell dit de la région en 1890 : « nous avons ici un curieux ensemble de merveilleuses caractéristiques, des murs sculptés, des arches royales, d’étroites vallées (« glens »), des ravins cachés, des monticules et des monuments (naturels). De quelles de ces caractéristiques allons-nous nommer ce site ? Nous décidons de le nommer Glen Canyon. »

Le nom de Powell a été donné en hommage à un hardi explorateur et découvreur de la fin du 19ème siècle, dont la connaissance de l’orographie et de la maigre hydrographie de la grande région du Colorado est une somme dans l’histoire des USA.

Belle mini-croisière au soleil tombant

Une croisière part depuis la vaste marina Wahweap (mot indien qui voulait dire « eaux saumâtres ») assez en amont du barrage, bien équipée, à laquelle on revient au retour.

marina du lac Powell, Arizona

Par un chemin en très longue pente, on atteint le quai depuis le « lobby » à flanc de colline ; au retour comme à l’aller, il est possible d’emprunter un promène-couillon conduit par un senior.

Lors de cette mini-croisière, presque exclusive (une poignée d’à peine une vingtaine de passagers), le bateau se déplace entre des rives qui passent du clair argenté à l’ocre vif, s’abaissent en courtes plaines verdies d’un duvet herbeux, longent des dunes ocres ou blanches, masses flasques successives pétrifiées, que surmontent d’autres reliefs à la manière de Monument Valley.

au départ des excursions sur le lac Powell, Arizona
butte, rives feuilletées depuis le lac Powell, Arizona

Certaines rives, hautes et abruptes comme des falaises, font un immense gâteau millefeuille dans lequel on aurait tranché ; la partie inférieure est d’une belle couleur de crème blanche presque appétissante, haute de quelque 4 à 6 mètres. De fait, il s’agit de la hauteur d’eau qu’atteint le lac quand il est plein.

Plus près du barrage, un autre bras du lac, plus étroit, est formé par la rivière provenant de « l’Antelope Canyon ».

depuis l'Antelope Canyon vers le lac Powell, Arizona
anciens niveaux du lac Powel, Arizona

A cette heure où le soleil décline, le jeu d'ombre et de la lumière devient parfois magique, entre des côtes dentelées en dédale.

 

La capitaine, une femme avenante, dynamique et expérimentée, qui a atteint l’âge de la retraite sans encore la prendre, commente en même temps le long du parcours la genèse du lac ; elle est accompagnée d’une autre femme plus très jeune.

jeux de lumière sur le lac Powell, Arizona

Cette petite croisière de 2 heures au soleil déclinant est en soi très prenante.

 

La plus longue qui dure 7 heures, une journée entière, pénètre beaucoup plus en amont des méandres du lac. Elle est plus réputée encore pour ses paysages, et surtout pour cette arche dont on dit qu'elle est la plus grande au monde, le "Rainbow Bridge National Monument", un peu en aval de la confluence entre la rivière San Juan et le Colorado.

Un étroit défilé de merveilles

Arizona,

les merveilles d'Upper Antelope Canyon

A côté de Page, à l’opposé du versant menant au lac Powell, donc vers le sud-est, c’est l’Upper Antelope Canyon (qu’on nomme aussi « Slot Canyons », les « canyons fente ») que rien ne laisse deviner quand on observe le plateau semi-désertique sous lequel il se dissimule.

Le point de RdV est un très vaste espace de sable blanc et fin, où se concentrent les touristes du monde entier, sous de légers toits protégeant des bancs, en attendant les départs en 4x4.

tente d'attente pour Upper Antelope Canyon, Arizona

Les guides, exclusivement navajos, appellent nominativement les visiteurs par petits groupes.

 

A 50 mètres sous le soleil accablant, sur un large monticule voisin, une demi-douzaine de toilettes de fortune, à côté du grand parking à peine délimité sur le sol de sable brûlant.

On y découvre la pire version des toilettes sèches ; les fosses, sous cette chaleur qui serait étouffante et délétère sans cette sécheresse de l’air, n’ont pas été vidangées de la veille. Plusieurs visiteurs écoeurés cherchent à l'arrière de rares buissons.

toilettes_sèches.jpeg

Pourtant celles que nous verrons partout sur la plupart des autres sites, parfaitement conçues, fixées sur la roche, assurent très correctement leur rôle, dans ce pays où il ne pleut presque jamais.

pick ups navajo pour la visite d'Upper Antelope Canyon, Arizona

A l'arrière de l'un de ces puissants pick-ups, nous sommes amenés en convoi le long d'un large oued asséché peu profond, où le sable fin s'envole à notre passage.

 

Voici enfin ce qui semble être un large et haut cul-de-sac au pied duquel la petite vallée s'évase. Les véhicules s'arrêtent à distance, et chacun se dirige à pied vers l'antre sacré.

à pied d'ouvre, Upper Antelope Canyon, Arizona

Upper Antelope Canyon est un autre exemple de trésor géologique caché.

 

Comme l’homme lilliputien visitant l’immense sexe fantasmatique d’une « femme-paysage » (Tournier dans « le roi des aulnes » ou les surréalistes, ou Almodovar dans « l’amant qui rétrécit », voire "L'origine du monde" mais bien épilée…), il faut pénétrer -pour aller au bout du contexte- à pied au fond d’un haut et très étroit canyon.

et voici les merveilles, Upper Antelope Canyon, Arizona

Interdiction, à peine respectée, de toucher les parois, pourtant à peine friables. On est étonné de constater la dureté de ce grès aux trompeuses apparences.

Le parcours sur quelques centaine de mètres se fait sur un fond de sable plat qui s'élargit rarement, zigzague entre les parois, et oblige parfois à ralentir quand les nombreux groupes sous la houlette de leur guide respectif doivent se croiser (puisque le chemin de retour est le même).

Sans parler de certains de ces groupes consacrés spécialement à la photo, et dont il faut attendre qu'il aient achevés LA photo du siècle, avant d'aller plus avant. Leur coach provoque même des petites chutes de sable qui s'écoule avec une régularité de fluide, pour le seul effet visuel.

effets de sable coulant, Upper Antelope Canyon, Arizona

On ose à peine imaginer l'encombrement du site en pleine saison.

Mais dès l'entrée, levant à peine les yeux, on est sur le champ saisi du bonheur de contempler les merveilleuses et fantasques sculptures naturelles de sable figé, parées d’une extraordinaire diversité de tonalités, de l’ocre au doré flamboyant passant par l'ivoire ou le bistre.

 

A damner les meilleurs des artistes!!

merveilles chromatiques, Upper Antelope Canyon, Arizona

Au point que l'étonnement, l'éblouissement s'expriment parfois par des exclamations à peine retenues.

Les drapages des strates croisent avec une étonnante légèreté les traces d'écoulement vertical (car il y en a).

 

L’inclinaison du soleil est l'une des clés : il n'entre que par là-haut, 20 à 30 mètres au-dessus, et c'et entre 10h et 12h que l’inclinaison des rayons est optimale et avive somptueusement les couleurs, mettant en relief les arêtes et les courbes.

Upper Antelope Canyon 1, Arizona

Sur le parcours, quelques cadrages standards et convenus sont connus du seul guide, par exemple pour une découpage en forme de coeur, ou un autre endroit où chaque couple s'asseoit, levant stupidement les yeux vers une ouverture lumineuse là-haut, juste pour un effet nunuche d'ombre et de menton relevé...

 

Ailleurs, plus originale, une énorme langue framboise-lavande bien chargée, comme la pâte épaisse des marchands de la Foire du Trône...

langue de grès, Upper Antelope Canyon, Arizona

Mais comment se forment de tels phénomènes géologiques?

 

A part les effets de cadrage, rien pourtant de plus naturel que ces merveilles géologiques.

Et la question lancinante vient : comment?

Tout est taillé, creusé, érodé, sculpté dans le grès Navajo.

Celui-ci était originellement fait de dunes accumulées pendant la période du Jurassique il y a 160 millions d'années, tassées, solidifiées.

Puis avec  le soulèvement du Plateau Colorado, le grès a été exhaussé et exposé en surface.

Les très apparentes stries tourbillonnantes qui marquent la roche, appelées "stratifications croisées", sont l'indice d'un environnement ancien de dunes de sables.

La région est pourtant semi-désertique. Il se passe des semaines, des mois sans précipitations. Sauf de début juillet à fin septembre (la saison nommée ici "mousson") où de fortes tempêtes déversent d'énormes quantité d'eau en quelques heures, voire quelques minutes. La violence du phénomène est dévastatrice, emplit immédiatement la hauteur du canyon avec des débits puissants, irrésistibles, creusant et creusant encore. Il peut aussi en tomber au printemps et en hiver. 

Plaçons-nous à l'origine, avec une surface encore intacte de ce grès. Une petite fracture se crée, une mini-faille. Elle devient le champ d'action préférentiel des effets chimiques même infimes et de l'érosion, rompant localement la cohésion entre les particules de sable.

Ajoutons quelques crues éclairs propres à la région, souvent très courtes et violentes ; sable et rocs emportés creusent, décapent le grès, élargissent et approfondissent le passage.

Sur le plateau au-dessus du canyon, une crue éclair s'accumule dans un grand bassin naturel. L'eau se précipite vers le canyon naissant. Avec le rétrécissement du passage et le dénivelé, le flux prend de la vitesse et de la puissance, creusant encore le canyon.

Reproduisons des centaines de milliers de fois sur des dizaines de milliers d'années de tels événements. Voilà créé ce type de canyon étroit et profond, aux fabuleuses couleurs.

Alors, pour les malheureux visiteurs qui n'ont pas eu la prudence de lire les prévisions météo ni les alertes locales, point de salut.

Ainsi, la partie basse de l'Antelope Canyon ("Lower Antelope Canyon") a été remplie jusqu'à la surface du plateau lors d'une tempête le 2 août 2013.

En temps normal, celui-ci se visite, mais sa traversée est réservée aux "hikers" confirmés, que nous ne sommes pas.

Un autre canyon latéral plus court offre les mêmes merveilles.

 

Mais il faut s'en arracher et remonter sur le plateau du pick up, chahutés par la conduite malicieusement cahotique de notre guide Navajo, une jeune, dynamique et sympathique jeune femme.

s'arracher à la magie, sortie d'Upper Antelope Canyon, Arizona
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